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* L' histoire de LUDWIG van BEETHOVEN *

Beethoven est né dans cette maison, au 515 Bonngosse, à Bonn, le 17 décembre 1770.

Ce dessin au crayon de R. Beissel date de 1889, soit cinquante-huit ans après la mort du grand compositeur. (Beethoven-Haus, Bonn.)

 

JEUNESSE

 

Fêté et adulé par l'aristocratie de son temps, Beethoven n 'en connut pas moins des débuts difficiles. Né à Bonn le 17 décembre 1770, il était le fils d'un obscur ténor au service deL ' électeur de Cologne. Son père, qui avait une réputation d'homme violent et de grand buveur, se montra intraitable dans l'éducation musicale de son jeune fils. Malgré les excès et les brimades qui auraient pu lui faire prendre la musique en horreur, le jeune Beethoven se forgea une sensibilité et une vision de la musique toute personnelle , Ludwig commença très tôt à faire preuve de talents exceptionnels ; des professeurs lui enseignèrent la musique, si bien qu ' il fut en mesure de se produire en public dès l'âge de sept ans. Un an plus tard, le compositeur Christian Gottlob Neefe prit en charge sa formation musicale. Beethoven publia ses Neuf Partitions pour piano en ut mineur dans un catalogue de Leipzig faisant autorité. L'auteur y figurait sous le nom de Louis van Betthoven (sic), âgé de dix ans N. En 1787, il rencontra pour la première fois Mozart. Ce dernier réserva au garçon un accueil plutôt hautain; mais lorsque Beethoven se mit au piano, Mozart fut aussitôt conquis : " Souvenez-vous de ce gamin, commenta-t-il. Un jour il fera parler de lui."

SUR LE CHEMIN DE LA GLOIRE

À la mort de sa mère, en 1787, la situation se dégrada. Beethoven dut intervenir auprès du protecteur de son père pour lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille. Puis, en1792, son vieux père disparaissait à son tour. Ludwig traversa quatre années difficiles. I1 noua cependant quelques solides amitiés : avec Stefan von Breuning, tout d'abord, qui lui restera fidèle jusqu'à sa mort, puis avec le docteur Franz egeler, auteur d'une des premières biogra-phies du futur compositeur. Le comte Ferdinand von waldstein entra également dans le cercle des amis de Beethoven qui lui dédia, en 1804, une sonate pour piano.En juillet 1792, l'illustre Haydn rencontra Beethoven à Bonn.Le grand compositeur fut impressionné par l'oeuvre du jeunehomme. Si bien que Beethoven se rendit à Vienne en novembre pour y étudier la composition auprès de Haydn. Toutefois, en voulant "prendre en main" le talent de Beethoven , Haydn se fourvoyait : la musique de son protégé était résolument tournée vers le siècle suivant. Haydn, qui fut lui-même un précurseur dans sa jeunesse, découvrit que Beethoven progressait sur une voie non moins radicale que la sienne.À cette époque, la fougue dominait le jeu de piano de Beethoven. La noblesse de Vienne se pressait pour l'entendre. Un brillant avenir s'ouvrait désormais devant lui : il composait sans relâche et donnait des concerts à Vienne, Berlin, Prague et dans toutes les autres grandes capitales de la musique.Mais c'est surtout à son talent de pianiste virtuose, et non à celui de compositeur, qu'il devait sa renommée

Beethoven, très attaché à sa mère, Maria Magdalena (ci-dessus), l'appelait sa " meilleure amie ". Cette femme pieuse protégea ses enfants contre les excès de leur père alcoolique. Elle mourut en 1787 de la tuberculose. Beethoven avait alors dix-sept ans.(Salmer. Mary Evans Picture Library.)

 

 

L'APPARITION DE LA SURDITÉ

Sa carrière de pianiste n'allait pourtant pas tarder à prendre fin. II faisait état des premiers symptômes de son mal dans une lettre adressée le premier juillet 1801 à son ami Karl Ameda :Souvent je me prends à regretter que tu ne sois pas auprès de moi, car ton cher Beethoven mène une misérable existence, brouillé avec la nature et son Créateur, qui laisse ses créatures à la merci du moindre accident(…) .La plus précieuse de mes facultés, l'ouié, est terriblement altérée. Beethoven avait semble-t-il conscience depuis trois ans du mal dont il souffrait, ce qui l'amenait à se replier davantage sur lui-même pour n'en rien laisser paraître. Ses amis impu-taient son attitude distante à quelque souci dont ils ignoraient la cause. Dans une lettre à Wegeler, il devait écrire :

Comment pourrais je, moi un musicien, dire aux gens : "Je suis sourd". Autant que possible, je m efforcerai de défier cette fatalité, dussé-je être quelquefois la plus malheureuse des créatures de Dieu (...). Je ne vis que dans ma musique. Souvent, je travaille à trois ou quatre oeuvres en même temps (...).II est clair que Beethoven voyait dans sa surdité un véritable défi à relever. À sa place, beaucoup auraient choisi la mort ; il n'est d'ailleurs pas exclu que le compositeur l'ait envisagée. Pourtant, quelques mois après sa lettre désespérée, il ajoute dans une autre correspondance à Wegeler :

Soulagé seulement de la moitié de cette infirmité, je redeviendrais un homme en pleine possession de ses moyens.Aussi heureux qu'on peu l'être sur cette terre, c' est ainsi que tu dois me voir. Ne me crois pas malheureux - que non! Je ne le supporterais pas. Je prendrai le Destin à la gorge, je ne le laisserai pas m'abattre! La vie est si belle... puisé je la vivre plutôt mille fois qu'une! Beethoven se lança à corps perdu dans ta composition. Mais, à cette époque, la situation financière d'un compositeur était bien plus précaire que celle d'un eXécutant. En 1802, son médecin l'envoya à Heiligenstadt, un petit village des environs de Vienne. Ce nouveau cadre de vie réveilla en Beethoven l'amour de la nature et, pour un temps, il recouvra espoir et optimisme. La Symphonie no 2, une oeuvre à l'exubérance enchanteresse, figure parmi les plus remarquables compositions de cette période. Cependant, l'état de son ouïe ne s'améliorant pas, Beethoven fit une dépression nerveuse dans le courant de l'automne. Craignant ne pas passer l'hiver, le compositeur rédigea ses dernières volontés dans son "Testament de Heiligenstadt" :

Ô vous qui m'accusez d'être malveillant, têtu et misanthrope, comme vous êtes injustes envers moi, ignorants de la raison secrète! Depuis ma plus tendre enfance, mon coeur et mon esprit n'ont cessé d'être disposés à la gentillesse et la bonne volonté, et je brûlais d'accomplir de hauts faits. Mais sachez que depuis six ans je suis désespérément malade, exaspéré et trompé par les charlatans qui m'ont maintenu dans l'espoir d'une amélioration, mais contraint au bout du compte d'affronter une longue maladie...Je n'avais d'autre recours que de m'isoler J'ai été mal compris, rejeté avec rudesse, n'ayant eu le courage de dire :"Parlez plus fort, criez, car je suis sourd...". Avec joie, je me hâte d'aller à la rencontre de la mort. Malgré une douloureuse destinée, je l'eusse préférée plus tardive. Mais je n'en demande pas davantage, car elle me libérera d'une souffrance sans répit. Viens donc, Mort, je t'affronterai avec courage. Heiglnstadt (sic), le 6 octobre 1802.

Quelle était exactement la gravité du mal dont souffrait Beethoven? Dès 1801, il se plaignit de bourdonnements et de sifflements constants. Lorsqu'on lui parlait à voix basse, il percevait un grésillement, et si l'on criait, le bruit devenait vit insupportable. Peut-être connut-il de brèves périodes de rémission, mais il passa les dix dernières années de sa vie dans la surdité totale.

Datant de 1819, ce portrait de Joseph Carl Steiler (ci-dessus) montre un Beethoven largement idéalisé. Le compositeur, alors agé de quarante-neuf ans, travaillait sur la partition de la Missa solemnis. A cette époque, il était déjâ sourd.

 

BEETHOVEN DANS SA MATURITÉ

Parvenu à maturité, Beethoven était un homme plutôt petit, solidement bâti. Sa chevelure noire se fit grisonnante, puis blanche, tout en restant aussi broussailleuse. Son visage était grêlé et ses lèvres exprimaient une certaine sévérité semblant témoigner de son inflexible détermination. Il n'était guère soucieux de son apparence et, pour qui le voyait arpenter les rues de Vienne, il était l'image même de l'excentrique.

Son humeur était très versatile, laissant son entourage dans une constante perplexité. Le moindre commentaire risquait d'être mal interprété et de déplaire au Maître car, dès lors qu'il s'était forgé sa propre opinion, il ne supportait pas qu'on le contredît Beethoven était d'un tempérament impatient, impulsif, peu raisonnable et intolérant; la surdité ne fit qu'ajouter la suspicion à ces traits de caractère. II lui arrivait d'accuser ses amis de déloyauté, voire de conspirer contre lui. II prenait facilement ombrage, congédiant sèchement ses proches en prétextant qu'ils n'étaient pas dignes de son amitié. Mais il ne tardait pas à leur envoyer une lettre d'excuses.

Portrait de Beethoven, par Ferdinand Schimon, en 1818-1819, lorsque le Maître était au sommet de sa gloire.(Beethoven-Haus, Bonn.)

UNE EXISTENCE TOURMENTÉE

Après son retour de Heiligenstadt, la musique de Beethoven se fit plus grave. À l'été 1803, il mit la première main à la 3eme Symphonie (l'Héroique). Elle se devait d'être révolutionnaire, à l'image de l'homme à qui elle était dédiée : Napoléon Bonaparte. Le langage musical de cette oeuvre refusait toute concession, au point de susciter les réticences du public. Faisant éclater le moule symphonique, elle créait de nouvelles formes à la fois logiques et puissantes. C'était là un miracle que Beethoven devait répéter à maintes reprises. Stefan von Breuning, avec qui Beethoven partageait un logement, rapporte un épisode orageux relatif à la Symphonie héroique. Apprenant que Napoléon - ce grand défenseur des droits du citoyen - venait de se proclamer empereur des Français le 2 décembre 1804, Beethoven raya furieusement sur sa partition le nom de l'homme dont il avait admiré le courage etl 'héroïsme. Il n'est donc qu'un humain comme les autres ? Eclata t 'il. Maintenant il va piétiner les droits de l'homme. Ce n 'est qu'un futur tyran ! ·De 1804 à 1808, Beethoven vécut dans un état d'agitation permanente; il s'éprenait sans cesse d'une nouvelle femme, généralement issue de l'aristocratie, mais ne parvint jamais à se marier. Et, tandis que ses relations souffraient d'instabilité, sa musique ne cessait de s'élever vers les sommets.L'été 1808, Beethoven mit la dernière main à ses 5e et 6e symphonies. La 5e prend bel et bien "le destin à la gorge,"; la 6e (la Pastorale) évoque la campagne des environs de Heiligenstadt. C'est notamment grâce à cette oeuvre que le nom de Beethoven allait devenir illustre.En juillet 1812, il écrivit une lettre à l'attention d'une dame qu'il nommait "l'Immortelle bien-aimée ·". Cette missive en dit aussi long sur les amours du Maître que le "Testament de Heiligenstadt ·, pouvait le faire au sujet de son désespoir :

Mon ange, ma vie, mon autre moi-même... Aujourd'hui, seulement quelques mots, et au crayon (le tien). Pourquoi une telle tristesse lorsque s'exprime l'impérieuse nécessité ? Notre amour ne peut-il survivre que dans le sacrifice, qu'en ne demandant pas tout? Ne peux-tu rien changer au fait que tu n'es pas tout à fait mienne, que je ne suis pas tout à fait tien?

Jamais expédiée, cette lettre fut découverte après la mort de Beethoven dans un tiroir dissimulé de son secrétaire. Le décès de son frère Casera, en novembre 1815, porta un grand coup à Beethoven qui renonça quasiment à composer. Nommé tuteur du fils de son frère, Karl, âgé de neuf ans (une charge qu'il partagerait avec la mère du garçon, Johanna), Beethoven prit cette responsabilité très au sérieux, étant convaincu que ce n'était pas le cas de Johanna qu'il jugeait immorale. Aussi engagea-t-il sans tarder une action en justice pour obtenir que la mère de son neveu fût déchue de son autorité maternelle. Le procès fut pénible et interminable, Johanna se répandant en injures sur le compte de Ludwig qu'elle qualifiait de "pauvre fou célibataire et sourd, ". À plusieurs reprises, Beethoven en tomba malade. Il ne put obtenir la garde du garçon qu'en 1820.

La 9e symphonie (avec choeurs) fut achevée en 1824, alors que la surdité du Maître était totale. une scène poignante devait marquer la première représentation : malgré son infirmité, Beethoven insista pour diriger l'orchestre ; à la vérité, un autre chef d'orchestre donnait la mesure à son insu. À la fin du dernier mouvement, Beethoven ne put entendre le tonnerre d'applaudissements qui le saluait. L'un des choriste prit alors par le bras pour l'aider à se tourner face au public qui l'ovationnait.

 

L'illustre compositeur Joseph Haydn (ci-dessus) tenta de guider le talent du jeune Beethoven. Mais , plus tard, ce dernier devait dire que les leçons de son mentor ne lui avaient pas appris grand-chose. La miniature (ci-dessus, à droite) montre Beethoven en 1803, à l'époque oû il composait la Symphonie héroique. (Bricigeman Art Liôrary.)

 

LES DERNIERS JOURS

À l'automne 1826, Beethoven emmena Karl en vacances à Gneixendorf. Un domestique de la maison a laissé un portrait réaliste du génie affairé à son dernier quatuor à cordes :

Dès cinq heures et demie du matin, il était devant sa table de travail, battant la mesure avec ses mains et ses pieds, tout en fredonnant et en écrivant. Sitôt après la première collation, il sortait se promener à travers champs, avec force éclats de voix et gesticulations, marchant tantôt d'un pas mesuré, tantôt à grandes enjambées, et s'arrêtant parfois tout net pour griffonner une idée sur son calepin.

Début décembre, Beethoven regagna Vienne avec Karl. Peu de temps après, il contracta une pneumonie. Son rétablissement fut de courte durée. Il retomba malade, terrassé cette fois par une cirrhose du foie compliquée d'une hydropisie. Début mars, son état empirant d'une façon alarmante, ses amis se rendirent à son chevet : Stefan, l'ami de toujours, fit venir sa famille et Schubert tint à lui présenter ses hommages.

Le témoignage d'un ami de Schubert rapporte les dernières heures dramatiques vécues par Beethoven, le 26 mars 1827 :

Les yeux du Maître s'ouvrirent et pendant un long moment il garda sa main droite fermée, levée en l'air, une expression grave, menaçante sur son visage. Lorsque sa main retomba, ses paupières se refermèrent à moitié. Ses lèvres s'étaient tues, son coeur avait cessé de battre...

Trois jours plus tard, Schubert fut parmi les vingt mille personnes qui accompagnèrent le Maître au cimetière de Wàhring. En 1888, ses restes furent transférés à Vienne, où ils reposent au côté de ceux de Schubert. Beethoven a bouleversé la musique classique en rompant avec maintes règles établies depuis des siècles. II a influencé tous les grands compositeurs des générations suivantes, mais peut-être n'aurait-il pas vraiment partagé les nobles idéaux que ses successeurs ont prêtés à sa musique. Plus encore, au faîte de sa gloire, il fit preuve d'un égocentrisme inquiétant. Mais son oeuvre reste la plus puissante qu'un compositeur de musique ait jamais créée.

Texte de la revue au cœur du CLASSIQUE (Christophe LAGRANGE )

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